Michelin ou l’histoire d’une lente délocalisation inévitable

Michelin ou l’histoire d’une lente délocalisation inévitable

Michelin a annoncé vouloir réaliser des économies en supprimant 2 300 postes en France. Les réactions partagées entre surprise et colère, notamment de la part des salariés de la manuf, ont été nombreuses. Seulement trois ans après un premier dégraissage du siège d’environ 1500 postes et 619 à la Roche-sur-Yon, Michelin récidive donc violement. 

Petit historique des résultats nets de Michelin sur ces dernières années. 2016 1,67 milliards, 2017 1,69 Milliards, 2018 1,66 Milliards et 2019 1,73 milliards. En somme un groupe plutôt rentable qui a d’ailleurs en 2019 atteint son meilleur résultat depuis ces 5 dernières années.

Des effectifs chez Michelin en baisse mais pas partout, loin de là...

L’effectif moyen mondial est passé de 106 600 personnes à 128 850 personnes. En gros le groupe recrute. En parallèle, depuis 2017 ce nouveau plan ferait passer les effectifs français de 23 100 personnes à 18 700 personnes. Pire en 2003 l’effectif était de 30 000 personnes. En 17 ans on a une perte nette de plus de 30% de l’effectif en France.

Ce parallèle est assez édifiant ! Michelin se tourne en masse vers les pays de production à bas coût et vers les marchés en croissance. Ce virage semble continu et irréversible, mais l’amélioration du résultat et du chiffre d’affaires semble confirmer la pertinence de ces choix. 

Une réponse politique un peu naïve

C’est assez amusant aussi de voir les réactions des politiques. « Avec les représentants du personnel, nous serons particulièrement vigilants à ce que Michelin respecte ses engagements » a déclaré la ministre déléguée chargée de l’industrie. Ces propos ont été dit à propos de l’engagement (non écrit) de Michelin à compenser chaque emploi perdu par un autre emploi.

Mais dire cela et croire que l’équipementier respectera son engagement est une hérésie qui frise la bêtise. Depuis 20 ans les effectifs sont régulièrement réduits en France sans aucune compensation. Pour quelles raisons cela devrait-il changer ? Quels moyens de pression pourrait avoir un gouvernement qui ne peut en aucun cas interférer dans la gestion d’une société privée ? 

Un chemin inévitable et presque normal

En réalité, vous l’aurez compris ce ne sont que des postures pour faire avaler la pilule et calmer les choses. Michelin travaille d’abord pour ses actionnaires et presqu’uniquement pour ces derniers. Ce sont eux qui décident du poste du dirigeant du groupe. Les salariés n’interviennent pas dans ce choix, il n’a donc pas à leur être redevable.

C’est le travers du capitalisme moderne où tout est dédié à enrichir le capital. Mais ce sont à ces investisseurs de modérer leurs exigences et d’en avoir de nouvelles. Vous en tant qu’actionnaire, accepteriez-vous de gagner moins pour le bien des salariés d’une société ou ne seriez-vous concerné que par le résultat de vos profits ? Pire encore si vous avez des obligations ou des actions d’un fond dans votre PEA, la plupart du temps vous ne saurez pas que vous avez des actions de telle ou telle société. Ainsi votre seule motivation sera de maximiser votre épargne sans considération des pertes d’emploi potentielles de telle ou telle société. Votre gestionniare de PEA le sait bien et travaillera a contraindre les sociétés de son portefeuille en ce sens.

Les solutions sont connues mais pas évidentes

Soyons donc cohérents, rien ne pourra ni ne devra stopper cette tendance avec des actions politiques, cela relève de l’utopie. La seule motivation à relocaliser ne peut être qu’économique. Soit on crée un environnement qui pénalise la production hors territoire national ou européen (cela s’appelle du protectionnisme et c’est débile) soit on crée des conditions pour innover et créer de la valeur.

La seule véritable solution est donc la nouvelle valeur crée par l’innovation. L’innovation est bien plus pérenne que la montée en gamme. La montée en gamme crée certes de la valeur ajoutée mais renchéri les prix. Ces prix trop élevés des produits conduit à se tourner vers d’autres produits moins chers mais produits ailleurs. On tourne ainsi en rond. L’innovation a le mérite de proposer de nouveau produits, pour répondre à de nouveaux besoins mais dont la valeur n’existe pas à ce jour. Par ailleurs pour lancer un produit le mettre a un niveau de prix trop important est la garantie d’un non-succès. L’innovation est donc la meilleure solution pour nos emplois et notre industrie. 

Même Michelin l'a compris

Michelin promet d’ailleurs de continuer à innover, mais avec ces groupes mondiaux, l’innovation sera certes réalisée sur notre territoire mais très vite délocalisée pour optimiser les profits. L’innovation doit venir de sociétés de petites tailles qui produisent localement. La dynamique sera ainsi totale pour le territoire concerné. 

Mais c’est une autre histoire. Ce que j’essaye de démonter c’est que Michelin a raison de supprimer ces postes car cela va dans le sens du marché et dans le sens de ce que souhaite ses actionnaires (propriétaires…).  Pour éviter ce genre d’écueil il faut soit changer la donne du marché mais sans renchérir les coûts (impossible) soit favoriser l’innovation de sociétés de petite taille qui seront créatrices de nombreux nouveaux emplois. 

GD