Le Mondial de l'Auto 2024 : une fête de l'automobile ou un rendez-vous dépassé ?

Le Mondial de l'Auto 2024 : une fête de l'automobile ou un rendez-vous dépassé ?

Un mois avant l'ouverture : le compte à rebours est lancé

À trente jours de son ouverture, le Mondial de l'Auto Paris 2024 s'apprête à déployer le tapis rouge du 14 au 20 octobre prochain à Paris Expo Porte de Versailles. Les organisateurs, Hopscotch Congrès et la Plateforme automobile (PFA), promettent une 90e édition sous le signe de la fête de l'automobile. Mais dans un contexte où le secteur est en pleine mutation, cet événement historique est-il toujours en phase avec les attentes du public et les défis de l'industrie ?

Un programme riche, mais des questions subsistent

Le salon annonce dix raisons de s'y rendre, avec des expositions alléchantes telles que "On n'arrête pas le progrès !" qui retrace les grandes innovations automobiles, ou encore la présentation de véhicules emblématiques du cinéma dans l'exposition Pop Culture by MovieCars Central. Les passionnés pourront admirer la Batmobile, la Ford Gran Torino de Starskyet Hutch, ou la DeLorean de "Retour vers le Futur 2".

Mais ne serait-ce pas là un regard nostalgique sur un passé glorieux, plutôt qu'une projection vers l'avenir ? En mettant en avant des modèles du XXe siècle et des voitures de cinéma, le Mondial de l'Auto ne risque-t-il pas de passer à côté des enjeux actuels, tels que la transition écologique, la mobilité durable ou les nouvelles technologies ?

La Fabrique de l'Électrique : une immersion suffisante ?

L'événement propose également "La Fabrique de l'Électrique", un espace dédié à la conception des véhicules électriques et à l'écosystème français qui les soutient. Une initiative louable, certes, mais est-ce vraiment à la hauteur des défis environnementaux auxquels fait face l'industrie automobile ? Alors que les ventes de véhicules électriques peinent à décoller en Europe, comme nous l'avons souligné dans nos précédents articles, il est légitime de se demander si cette immersion suffira à convaincre les sceptiques.

La Dream Zone : le luxe en décalage avec les préoccupations du public ?

La Dream Zone, un espace VIP de 500 m² dédié aux marques de luxe, sport et hypercars, accueillera des constructeurs prestigieux tels qu'Aston Martin, Bentley, Ferrari ou Porsche. Un écrin pour des véhicules d'exception, mais qui semble déconnecté des préoccupations actuelles des automobilistes. Dans un contexte de crise économique et de sensibilisation accrue aux enjeux climatiques, ce focus sur le luxe ne risque-t-il pas d'être perçu comme un anachronisme, voire une provocation ?

Une participation internationale, mais des absents remarqués

Le salon se félicite de la présence de constructeurs représentant 75 % du marché mondial, avec des marques venues d'Allemagne, de Chine, de Corée, des États-Unis, de France, d'Italie, du Japon, de Suisse et du Royaume-Uni. Toutefois, l'absence de certains acteurs majeurs, notamment dans le domaine des véhicules électriques innovants, peut interroger. Où sont les Tesla, Rivian ou autres pionniers de la mobilité électrique ? Cette absence pourrait être le signe que le Mondial de l'Auto peine à attirer les nouveaux leaders du secteur.

Le précédent de 2018

Rappelons qu'en 2018, le Mondial de l'Auto avait déjà été critiqué pour son manque d'innovation et la désertion de plusieurs grands constructeurs. À l'époque, de nombreuses marques avaient choisi de bouder le salon parisien, préférant investir dans des événements plus ciblés ou des présentations en ligne. Cette tendance semblait s'être inversée lors de l'édition 2022, mais les mêmes questions persistent aujourd'hui : le format traditionnel du salon automobile est-il encore pertinent à l'ère numérique ?

Des activités ludiques pour attirer le grand public

Le salon mise également sur des activités interactives pour séduire les visiteurs : un centre d'essais avec 4 000 créneaux de test drive, une piste de karting électrique améliorée, des nocturnes festives animées par les DJs de Radio FG... Autant d'initiatives qui visent à transformer le salon en une expérience conviviale et familiale. Mais est-ce suffisant pour redonner de l'élan à un événement qui peine à se renouveler en profondeur ?

Des conférences sur le futur de l'automobile, mais quelle vision ?

Associé à Google et au Boston Consulting Group, le Mondial de l'Auto proposera un cycle de conférences inédit sur l'avenir de l'automobile. L'occasion d'aborder les enjeux de l'industrie de demain, mais là encore, quelle place sera donnée aux sujets cruciaux tels que la décarbonation, la mobilité partagée, ou encore l'impact environnemental de la production de batteries ? Il serait regrettable que ces discussions se limitent à des considérations technologiques sans aborder les défis sociétaux.

La présence chinoise : une menace pour l'industrie européenne ?

La participation de plusieurs constructeurs chinois, comme BYD, GAC, XPeng ou Maxus, mérite également d'être soulignée. Ces marques, souvent en avance sur le plan technologique, notamment en matière de véhicules électriques, pourraient bien bousculer le marché européen. Leur présence au Mondial de l'Auto est à double tranchant : elle enrichit l'offre pour les visiteurs, mais rappelle aussi la concurrence féroce à laquelle font face les constructeurs locaux. Ne serait-il pas temps pour l'industrie européenne de se remettre en question pour ne pas se faire distancer ?

Une industrie en mutation, un salon à la traîne ?

Au final, le Mondial de l'Auto Paris 2024 semble osciller entre célébration du passé et timides tentatives de projection vers l'avenir. Alors que l'industrie automobile est en pleine mutation, confrontée à des défis majeurs tels que la transition énergétique, les changements de comportements des consommateurs ou la digitalisation, le salon paraît figé dans un modèle dépassé.

Un pavé dans la mare : le salon doit-il se réinventer ?

Il est peut-être temps de poser la question qui fâche : le Mondial de l'Auto, dans sa forme actuelle, est-il encore pertinent ? Les salons automobiles traditionnels ont longtemps été le lieu privilégié pour les constructeurs de présenter leurs nouveautés et pour le public de rêver devant les derniers modèles. Mais à l'heure où les annonces se font en ligne, où les préoccupations environnementales bouleversent les priorités, et où les jeunes générations se détournent de la propriété automobile, ne faut-il pas repenser totalement le concept ?

Vers un nouveau modèle d'événement ?

Des alternatives existent. Certains proposent des formats plus participatifs, centrés sur la mobilité durable, les services connectés, ou encore les nouvelles formes de transport. Des événements où le public ne serait plus seulement spectateur, mais acteur de la réflexion sur la mobilité de demain. Le succès de manifestations comme le CES de Las Vegas, où l'innovation est au cœur, montre que le public est avide de nouveautés, mais pas forcément sous la forme d'un défilé de voitures de luxe.

Une occasion manquée ou un dernier sursaut ?

Le Mondial de l'Auto Paris 2024 a le mérite de perdurer et de proposer un programme riche pour les passionnés. Cependant, il risque de passer à côté de l'essentiel en ne se renouvelant pas suffisamment. La fête de l'automobile est une belle idée, mais elle doit s'inscrire dans son époque. Il ne s'agit pas de renier le passé, mais de construire l'avenir avec audace et responsabilité.