Renault Safrane Biturbo : l'obsession allemande !

Renault Safrane Biturbo : l'obsession allemande !

Alors que Renault avait montré son savoir faire avec la Renault 25 V6 Turbo, notamment dans sa luxueuse version Baccara, il fallait, avec la Safrane, aller encore plus loin. Cette fois-ci, selon les stratèges de Billancourt, on en était plus très loin et la Safrane s'avérait (du moins semblait) une bonne base pour enfin bouter l'allemand en dehors du marché français, voire même aller lui tailler des croupières Outre-Rhin. Et pour cela, quoi de mieux que de s'associer avec des artisans teutons, spécialistes du tuning ou de l'amélioration moteurs : Irmscher et Hartge ! Ainsi naquit la Safrane Biturbo.

Renault Safrane Biturbo

Sortie en 1992, la Safrane répondait aux exigences de Renault : une grande berline poursuivant l'héritage de la Renault 25 tout en évitant les écueils que PSA avait pu connaître avec les lancements précipités de la Peugeot 605 et de la Citroën XM. Une berline solide, fiable, mais aussi un peu insipide malgré des versions V6 qui aujourd'hui n'existent plus dans l'offre française ! Décidés à diaboliser cette dernière, surfant sur les succès en Formule 1 et sur celui de la petite Clio qui, dans sa version 16s faisait vraiment le job, les marketeurs du Losange se décidèrent à décliner la Safrane en version haute performance.

Objectif de la Renault Safrane :Vaincre en Allemagne, avec les allemands !

La base semblait évidente : la version quadra, avec ses quatre roues motrices et dans une version V6 justement gavée aux turbos, deux en l'occurence (d'où son nom, vous vous en doutez). Plutôt que de s'appuyer sur le Bérex, bureau d'étude ultra pointu et tout à fait capable de développer le futur fer de lance de la gamme, on préféra miser sur l'Allemagne, avec cette obsession née du lancement de la Renault 19, celle qui devait être la « killeuse de Golf ». 

Renault Safrane Biturbo

Pour le look, on misa donc sur Irmscher jusque là spécialiste d'Opel. Imaginez un peu : un spécialiste de la personnalisation (tuning à l'époque) s'attaquant au haut de gamme de chez Renault, il y avait de quoi avoir peur. Bizarrement, le résultat est assez réussi, grâce à un nouveau pare-chocs plutôt élégant, dans lequel s'encastrent assez bien des feux longue-portée. Jupes latérales, pare-chocs arrière et petit ailerons complètent assez élégamment la garde robe. Ouf, on l'avait échappé belle. A l'intérieur, au choix : soit l'intérieur Baccara tout en cuir et en (faux) bois), soit la base plus classique RXE avec sièges en velours (à cette époque, le luxe ne se mesurait pas toujours à l'épaisseur du cuir ou de la moquette). Les jantes étaient quoi qu'il arrive communes aux deux finitions (et du plus bel effet, il faut bien l'admettre, jouant beaucoup sur le sex-appeal de la voiture).

Hartge, le Bérex et Renault à la peine !

Pour le moteur, les choses seront plus problématiques. Si Hartge savait y faire depuis quelques années sur les moteurs BMW, les allemands ne connaissaient pas le PRV et durent gérer l'ajout de deux turbos car en version atmo, impossible de dépasser les 250 chevaux, tandis que Renault insistait pour obtenir un ou deux « turbal » sous le capot, question d'image ! Problème à nouveau : la boîte de vitesse incapable d'encaisser le choc d'une trop grande puissance. On finira par trouver un compromis à 268 chevaux, obligé cependant de repasser par les spécialistes du Bérex pour régler ce moteur en « appoint » du spécialiste, Hartge.

Renault Safrane Biturbo

Avec ce 3 litres tutoyant les 300 bourrins, ce look démentiel, on aurait pu croire que la clientèle de grands patrons, de chauvins fortunés ou des administrations se jetteraient sur cette nouvelle Safrane. Sauf qu'entre l'annonce et la commercialisation, en 1993, de l'eau avait coulé sous les ponts. Repoussant sans cesse le lancement, pour fiabiliser la bête, Renault rata sans doute le coche, sans parler du prix, lui aussi démentiel, dû à un mécano industriel un poil complexe.

Peut-être qu'après la Renault 25 V6 Turbo qui avait trouvé le bon équilibre entre performance, prix et fiabilité, la Safrane Biturbo s'avérait trop complexe, avec ses trois intervenants industriels, sa transmission Quadra complexe et fragile, son moteur un peu compliqué à mettre au point et sa boîte peu ou pas adaptée. Ce qui devait arriver arriva :  seuls 806 exemplaires trouveront preneurs entre la toute fin 1993 et le début 1996. C'est devenu aujourd'hui un graal, mais un graal de spécialiste !

Auteur : Luis Perenna